Une exposition à voir! Cela faisais un moment que l’on me parlait de cette exposition du peintre et street artiste Borondo dans ma ville de Marseille.
Je n’ai pas été déçu de la visite, bien au contraire. J’ai tout d’abord été immergé dés le départ dans une installation vidéo de huit rétroprojections (quatre face à face), des bandes vidéos courtes tournant en boucle (à l’image d’un gif animé) que l’artiste a lui même récupéré dans le marché au puce, puis travaillé graphiquement. Car oui, il faut que je vous explique tout d’abord le concept:
Exposition Borondo
Borondo à réalisé cette exposition (aidé par huit autres plasticiens et créatifs espagnols et italiens) un peu à la manière d’une résidence d’artiste. Pour une résidence, l’artiste crée in situ, une production qui va se jouer dans le lieu de sa création. Borondo a pris le parti d’exposer à la Galerie Saint Laurent de Marseille, une création protéiforme se nourrissant (je trouve le mot assez juste) des achats et acquisitions qu’il a pu effectuer deux mois durant dans le marché au puce qui jouxte absolument la galerie. Cette galerie d’art de 4000 m2 est en effet immergée dans un quartier périphérique et populaire de Marseille, avec un marché riche en couleurs et en trouvailles juste a coté. On retrouve donc pêle-mêle dans la production de notre street artiste un tourne disque, de vielles diapositives projetées, des miroirs et commodes, des vieux tableaux, des petits soldats et tout ce tohu bohu s’articule dans diverses installations plastiques.
L’artiste résume ainsi son exposition qu’il a nommé “matière noire”:
“Nous ne voyons qu’une petite part de la réalité, mais ce que nous ne voyons pas fait que notre réalité existe”
Passé le sas d’accueil, j’ai été accueilli par un guide qui m’a bien expliqué le parcours de l’artiste (que je connaissais déjà) par ses peintures et réalisations street art, notamment celles sur les vitres. S’en suivi un parcours surprenant, de pièces en pièces en pièces, d’expériences sensorielles en découvertes et surprises.
Citation de Borondo sur son travail urbain sur les espaces vitrés:
“C’est une astuce pour ne pas se faire arrêter par la police, je suis juste en train d’effacer de la peinture sur une vitre”.
Décomposition et recomposition
La composition a une grande importance dans cette exposition. L’artiste en joue en composant, décomposant, recomposant le réel comme le souvenir, le passé comme le présent, pour écrire une histoire particulière. Il y a une anamorphose dans une des salles de l’exposition, qui préfigure l’anamorphose géante que l’on trouve à l’étage et dont je parlerais plus loin. Cette anamorphose est constituée de plusieurs vitres peintes suspendues au plafond, décalée chacune de plusieurs dizaine de centimètres. Au devant de la première vitre, un rétroprojecteur qui ne projete pas d’image, juste de la lumière. La dernière vitre se trouve à un bon mètre du mur qui lui révèle par projection l’ensemble des formes peintes sur chaque vitre, qui sont mises en lumières: et cela forme une nature morte au fruits. Une réflexion sur la peinture et son espace de représentation.
A l’étage supérieur du marché, juste au dessus de la galerie d’art Saint Laurent, nous y voilà
L’anamorphose géante comme clou du spectacle. Des miroirs, meubles, luminaires comme sérigraphiés sur ce qui semble être des vitres en plastiques fins. Placées ça et là au dessus de cet immense espace (plusieurs milliers de mètres carrés) ces vitres sont suspendues au plafond (à plusieurs dizaines de mètres du sol). Un seul point de vue permet de réunir ces formes en une représentation unique (c’est le principe de l’anamorphose). On y voit tout d’abord ces peintures flotter comme des spectres au dessus d’un bric-à-brac usuel leur faisant écho ( des commodes, des luminaire…).
Puis on perçoit clairement la forme d’un lustre un peu désuet mais magistral, forme que l’on a déjà rencontré dans l’espace d’exposition du rez de chaussé et qui nous accueille également a notre arrivée au premier étage.
Mais cela est fortuit… ou alors un clin d’oeil de l’artiste car ce sont des lustres mis en vente dans cet espace qui n’appartient pas à la galerie mais qui est bien un espace de vente d’objets.
Un jeu d’espace temps
Borondo fait se rejoindre ou se disjoindre les espaces. Notre corps se retrouve parfois pas tout à fait là ou il devrait être comme dans cette pièce somme toute banale qui semble se refléter dans un miroir. Il m’a bien fallu une minute (et nombre de mes amis sont passés a coté) pour comprendre qu’il n’y avait pas de miroir. Et lorsque que l’on se pointe devant le soi disant miroir et que l’on ne découvre pas notre reflet, un peu comme un vampire, je vous laisse imaginer l’espace d’une seconde l’émotion.
Une mise en scène, c’est bien là ce dont il s’agit, peut être une réflexion sur la peinture et sa représentation de la réalité comme cette scène antique atour des raisins de Zeuxis :
“[Zeuxis] eut pour contemporains et pour émules Timanthès, Androcyde, Eupompe, Parrhasius. Ce dernier, dit-on, offrit le combat à Zeuxis. Celui-ci apporta des raisins peints avec tant de vérité, que des oiseaux vinrent les becqueter”
Des meubles chinés à l’identique ou presque qui se font faux jumeaux, et ce sont les détails qui font la différence. cette toile qui est face au mur de la salle qui est censée faire office de “salle miroir”, cette toile est face au mur donc elle ne se projete pas dans l’autre salle, et pourtant elle a son pendant dans cette autre salle ou l’on déambule: l’une est repeinte en partie et presque taguée, l’autre non. Ces petits détails entre rêve et réalité, entre existence et absence.
Selon les espaces la représentation n’est pas la même.
Dans la salle précédente ou suivante selon notre déambulation, nous trouvons divers objets d’un séjour collés au plafond comme si nous même nous déambulions non sur le sol mais sur le plafond. Mais ce qui est plus intéressant c’est que nous y trouvons la copie parfaite mais “dégradée” (légérement dépiécée par le temps sur les bords) du tapis qui orne le sol de la salle juste a coté.
Le temps se trouve aussi suspendu dans cette autre pièce ou l’on n’ose rentrer, comme un tableau de vie qui aurait été figé par une éruption volcanique (Pompéi). Il faut se rappeler que l’artiste crée avec des objets chinés, des matériaux à qui il rend presque hommage dans leur qualité de souvenirs en tant que tels. Cela apporte une véritable dimension poétique à son travail. Qu’est ce qui se joue lorsque que l’on crée avec des matériaux chargés d’histoire? et lorsque l’on va questionner ces histoires pour en créer de nouvelles?
L’ensemble du travail réalisé par les artistes et Borondo nous livre une surprenante expérience “à partir de sensations, d’histoires et de matériaux trouvés dans le marchés”
Exposition “Matière noire” jusqu’au 31 Janvier 2018 à la galerie Saint Laurent à Marseille, Gonzalo Borondo, entrée gratuite.
Pour en savoir un peu plus sur le travail de l’artiste:
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